Plis de soleil, reflets de vies en Occitanie.

Grande Commande de la BNF

Ce projet témoigne des changements induits par la menace épidémique et les restrictions de sortie sur la vie quotidienne des personnes de plus de 65 ans.

« Il a été question de vieillesse, de sagesse aussi, et il était important pour moi de faire des portraits lumineux. Les marques du temps tracent les visages parfois radieux, parfois inquiets, elles esquissent inlassablement des sourires, des forces de vie, de la joie. » 

This project bears witness to the changes brought about by the epidemic threat and exit restrictions on the daily lives of people over 65. “There was talk of old age, but also of wisdom, and it was important for me to make luminous portraits. The marks of time trace the sometimes radiant, sometimes worried faces, they tirelessly sketch smiles, life forces, joy.”

Séniors, retraités, personnes âgées, vieux et vieilles, ces populations dites vulnérables montrées du doigt à l’heure de la pandémie mondiale, comme nos aîné·es dont nous devons prendre soin et protéger. Qu’ont ils à nous raconter de l’époque que l'on vit ? Du Sud-ouest au littoral méditerranéen, en passant par l’Occitanie et les Grands causses, je suis allée tirer le portrait de ces ainés, toujours avec cette question entêtante : qui sont ces seniors, cette tranche de la population vaste aux limites floues, allant de la retraite - aux alentours de 60 ans - jusqu’à la fin de vie ? Que peuvent ils avoir en commun ?

Je me demandais ce qu’impactait le changement de rythme lié à la mise en « retraite », qu’on assimile facilement à de la liberté oisive, au repos, parfois à l’angoisse du vide, à la solitude choisie ou imposée, et à ces aînés toujours et encore plus confinés. Ma traversée m’emmenait chez elles et eux, dans leur territoire, leur maisonnée, leur endroit de vie, parfois nouveaux, parfois qu'ils n'ont jamais quittés, des maisons de retraite aux inarrachables. Ces portraits photo et audio ont nourri des rencontres dans lesquelles on évoquait des souvenirs heureux, des premières virées, des vacances. On a parlé d’amour, de jeunesse, de tradition et de fêtes. Cela me rappelait des moments que je suis en train de vivre, à l’aube de mes trente ans et pourtant qui semblent venir d’un autre temps. Ils auraient pu être mes grands-parents, mes parents et je ne suis séparée d’eux que par le temps et par l’arrivée massive de la technologie et du progrès qui ne goûtent pas l’odeur de leur passé. Ces récits de vies, mémoires vives des aînées de notre société, invoquent les corps et leurs états changeants qui se distendent, se fissurent, deviennent douloureux parfois, et qui ne leur permettent plus d’aller aussi loin que leur pensée le voudrait. Comment appréhender cet état de fait, comment sont vécues l’évolution physique de nos corps et la confrontation parfois brutale à la maladie ? C’est parfois une libération, pour des femmes enfermées depuis trop longtemps dans un rôle qu’on leur a assigné dans un système patriarcal. Mais c'est souvent une souffrance de perdre l’autre après tant d’années de vie à deux. La solitude et la complexité de se retrouver seul à un certain âge, accentué par un contexte de pandémie mondiale met à mal les rapports sociaux et enferment davantage des personnes déjà contraintes. J’ai constaté l’importance des milieux associatifs, comme des lieux de rencontres, d’expressions artistiques qui viennent ponctuer les semaines de découvertes et de curiosités.

On m’a parlé parfois de la retraite comme d’une liberté, d’un moment que l’on peut enfin dédier à soi, à son désir de créer. C’est peut-être dans la poésie, la méditation, la marche, la contemplation et en abordant une certaine philosophie de vie que les personnes rencontrées surmontent et vivent les bouleversements qui viennent avec le bel âge. Il a été question de vieillesse, de sagesse aussi, et il était important pour moi de faire un portrait lumineux de ces personnes. Les marques du temps tracent les visages parfois radieux, parfois inquiets, elles esquissent inlassablement des sourires, des forces de vie, de la joie. Ils et elles se sont racontés et m'ont confié une part intime de leur vécu. Je me suis demandée quel lien était en train de nous unir, quelle fraction de vie nous étions en train de partager ? Echanger ses doutes, ses peurs, faire part de ses émotions et des sensations éprouvées, une retrospective, quelles lectures fait-on de sa vie ?

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Soleil Brûlant